Fin de la portabilité en cas de liquidation judiciaire
La Cour de cassation statue sur l’effet de la résiliation du contrat d’assurance quant à la portabilité dont bénéficient des salariés licenciés antérieurement (Cass. 2ème civ., 15 février n2024, n° 22-16.132).
Qu’est-ce que la portabilité ?
Les salariés garantis collectivement en matière de prévoyance (décès, incapacité ou invalidité) et/ou de frais de santé, peuvent bénéficier sous certaines conditions et pour un temps, du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l’assurance chômage (article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale). C’est ce que l’on appelle « la portabilité ».
Le maintien de la portabilité en cas de liquidation : éléments du débat
La Cour de cassation a d’abord relevé que les dispositions légales sur la portabilité n’opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l’employeur a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire (Avis. Cass., 6 novembre 2017, n° 17013 à 17017). La Haute juridiction a, par la suite, considéré que les textes n’exigent pas qu’un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures existe. Autrement dit, l’organisation du financement de la portabilité n’est pas un préalable nécessaire à son maintien en cas de liquidation judiciaire (Cass. civ. 2e., 5 novembre 2020, n° 19-17.164).
Elle a toutefois conditionné le maintien des garanties à ce que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur ne soit pas résilié (Cass. civ., 2e., 10 mars 2022, n° 20-20.898).
Dans ce cadre, les salariés licenciés avant la résiliation du contrat d’assurance, et dont les droits à portabilité ont été ouverts, continuent-ils d’en bénéficier après la résiliation ?
Les juridictions saisies de cette problématique ont adopté des positions divergentes. Certaines ont estimé que la portabilité, cessait à compter de la date d’effet de la résiliation quand bien même les licenciements étaient intervenus antérieurement.
D’autres ont considéré que les garanties étant encore en vigueur dans l’entreprise à la date de la rupture des contrats de travail des salariés concernés, la résiliation ultérieure du contrat d’assurance était alors sans effet sur les droits acquis par les salariés au maintien de ces garanties.
L’arrêt du 15 février 2024
La Cour de cassation a tranché ce débat. Elle indique que la résiliation du contrat d’assurance met un terme au maintien des garanties bénéficiant aux anciens salariés, peu important qu’elle intervienne après le licenciement des salariés concernés. La Cour retient que, par l’effet de la résiliation du contrat par l’organisme assureur, aucune garantie n’était plus en vigueur dans l’entreprise, ce qui empêchait alors le maintien des garanties antérieures.
Fin de la saga jurisprudentielle ?
La Haute juridiction confirme explicitement la perte des droits à portabilité en cas de résiliation du contrat d’assurance postérieure au licenciement des salariés concernés.
Une question reste, entre autres, en suspens. L’organisme assureur pouvait-il valablement procéder à la résiliation du contrat d’assurance après le placement en liquidation judiciaire de l’entreprise ?
Une interprétation, discutable, d’un texte du Code de commerce (l’article L. 641-11-1) pourrait faire obstacle à cette résiliation. Cette question n’ayant pas été expressément posée à la Cour de cassation, celle-ci n’a pas eu à y répondre. Aussi, l’arrêt du 15 février 2024 ne clôt pas encore tout débat sur le maintien de la portabilité en cas de liquidation judiciaire.
En tout état de cause, l’article L. 641-11-1 précité indique que le contrat serait résilié, notamment, après qu’une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur, soit restée plus d’un mois sans réponse.